Le récit de mon voyage jusqu’en France
Juste après Braga
Les choses ont mal tourné
Nous sommes montés dans le car
Et là déjà quelle frayeur
Une demie heure après
La police a surgi
S’est postée devant le car
Pour lui barrer la route
Un policier est monté – c’était un sergent
Il nous a bien regardés
Et il a fait descendre deux gars
Quelle peur on a eu que ça tombe sur nous
Une autre frayeur nous attendait
Il a ordonné au car de se garer
Nous étions terrorisés
Qu’il vienne nous débarquer
Après un signal
Le car a pu repartir
Nous étions rassurés
Et avons cessé de nous inquiéter
Après quelques mètres
Le car s’est arrêté
Quelle nouvelle frayeur
Quand le passeur s’est levé
Après que le passeur s’est levé
Nous sommes descendus aussi
Et là il nous a demandé
S’il manquait quelqu’un
Nous lui avons demandé
S’il n’avait rien remarqué
Quand le sergent est monté
Deux hommes sont descendus avec lui
Le passeur nous dit aussitôt
Très surpris
Ça tourne mal
Nous sommes tous perdus
Le passeur nous dit soudain
Sautez avec moi
Une voiture arrive
Il y a peut-être danger
C’est ce qui s’est passé
La peur nous a saisis
Cachés au milieu des ronces
Quand la jeep est passée
Dans l’eau jusqu’aux genoux
Nous avons dû tenir bon
Et puis le passeur nous a dit
Il nous faut y aller
Ainsi nous avons marché
Mais avec l’envie de pleurer
En pensant que ce n’était que le début
Et que ça se passait si mal
Les pentes de la montagne étaient terribles à gravir
Nous avancions à grand-peine
Par des chemins étrangers et sombres
La pluie tombait et l’orage grondait
Le passeur nous dit alors
Maintenant attendez-moi ici
Je vais aller sur la route
Voir si la voie est libre
Si je ne reviens pas – a dit le passeur
Faîtes bien attention
C’est que j’ai été pris
Et emmené en prison
Mais grâce à Dieu
Rien de tout cela n’est arrivé
Dans les délais prévus
Le passeur est revenu
Nous avons continué notre voyage
Mais très abattus
Toujours au Portugal
Et déjà si fatigués
Puis nous avons retrouvé d’autres compagnons
Couchés dans une grange
Pleine de puces et des rats
Quelle bonne partie de rire
Tard dans la nuit
Nous avons entendu des bruits dehors
C’était la police qui rôdait
Qui essayait d’ouvrir les portes
Trois nuits de suite
Cela a recommencé
Et nous tous tenaillés par la peur
D’être arrêtés
Nous sommes restés là
Cinq jours sans pouvoir sortir
En permanence dans l’incertitude
En permanence sur le qui-vive
Un samedi à sept heures et demie
Nous sommes sortis de là
Pour rejoindre le camion
Par des chemins inconnus
Après tout ça
Deux heures de car
Sept heures et demie à pied
Pour traverser la frontière
Le chemin que nous avons pris
Sans tracé ni contours
Etait des plus difficiles
Et longeait des précipices
Nous avons pris un camion
Et pensions nous y reposer
Nous sommes arrivés à Madrid
Encore plus fourbus
Nous avons roulé 24 heures en camion
Sans mettre le nez dehors
Un des gars que la soif rendait fou
Aggravait notre tourment
En arrivant à Madrid
Le camion s’est arrêté
Le camarade fou de soif
En bas du camion s’est jeté
Après cet épisode
Nous avons toujours été assaillis
Par tant de peines et de peurs
Je ne sais comment nous en avons réchappé
Puis sur une colline
Près de Pampelune
Trempés et morts de faim
Nous avons caché notre honte
Cinq jours dans la montagne
Cinq nuits sous la pluie et dans le froid
Nous avons été contraints de descendre
Pour demander à manger
Avec l’envie de pleurer
Contraints d’en arriver là
Contraints de demander de l’aide dans les maisons
Ne voulant pas mourir sur place
Au cinquième jour nous avons décidé
Chacun devait se prononcer
Nous devions choisir une direction
Même si nous allions en prison
Dans une montagne d’Espagne
Ce scélérat nous a abandonnés
Des hommes mariés et des célibataires
Trente cinq hommes il a laissés
De toutes ces épreuves traversées
Je ne peux pas tout raconter
Car raconter dans le détail
Personne n’y croirait
Avec nos faibles forces
Nous avons repris la route
Apaisant alors notre faim
Avec des sardines du pain et du vin
Après les sardines le pain et le vin
Nous nous nous sommes remis à marcher
La peur nous ayant quittés
Nous nous sommes mis à chanter
Accompagnés de nos chants
Nous avons réussi à passer
Les carabineros nous ont vu
Et ne nous ont pas arrêtés
Ce voyage a duré
Du lever au coucher du soleil
Nous avons dû nous arrêter
Et attendre un passeur espagnol
Le passeur s’est présenté
Et avec lui nous avons négocié
Pour qu’il nous mène en France
Et cette nuit nous avons dormi là
A trois heures du matin le 13 février
Nous avons repris la marche coûte que coûte
En trois jours et trois nuits
Nous avons atteint la frontière française
A la gare de Bayonne
Le passeur nous a quittés
Et nous avons pris le train
Avec le billet qu’il nous avait acheté
Nous avons continué notre voyage
Et sommes arrivés à Bordeaux
Seul et sans connaître personne
Je me disais “ que Dieu me vienne en aide ”
Seul avec mes pensées
A l’intérieur de cette gare
Je me voyais perdu
Ça me faisait mal au cœur
Dieu m’a donné une idée
Celle de me faire mendiant
Car je ne trouvais personne
A qui je pouvais m’adresser
Je suis allé vers un policier
Et il m’a écouté
Mais ne me comprenant pas
Il a appelé quelqu’un pour parler à ma place
Quelques minutes après
J’ai pu enfin me calmer
Voyant un Portugais
Avec qui j’ai pu parler
Montrant au Portugais
La direction que je cherchais
Il m’a acheté un billet
Et n’a pas pu davantage m’aider
Il m’a aussi donné dix francs
Pour que j’achète du pain et du vin
Pour que je puisse tenir le coup
Et parvenir à destination
Après avoir mangé le pain
Je me suis assis dans un jardin
J’avais tellement faim
Que tout le monde me regardait
L’heure du départ est arrivée
Je suis monté dans le train
Et jusqu’à Clermont Ferrand
Quelles ne furent mes pensées
Du 1er au 15 février 1966
Ce furent quinze jours de tourments
Portugal-France par des petits chemins
Et seulement 24 heures de camion
Daniel da Silva Macedo – février 1966História da minha viagem até França.
Logo a sair de Braga
Começou a correr mal
Entrámos na carreira
E logo um susto tal
Meia hora depois
A guarda se apresentou
Na frente da camioneta
Onde ela parou
Entrou a guarda –era um sargento-
Olhando para todos nós
Mandou sair dois
E que medo se fôssemos nós
E para mais susto
Mandou a camioneta encostar
E nós sobressaltados
Que nos vai mandar chamar
De momento houve sinal
Para a camioneta andar
Andámos mais tranquilos
E deixámos de cismar
Poucos metros mais
A camioneta parou
Quando outro susto apanhámos
Quando o guia se levantou
Depois dele se levantar
Nós saímos também
E onde ele perguntou
Se faltava alguém
Nós lhe perguntámos
Se não deu por ela
Quando o sargento entrou
Saíram dois homens com ela
Logo o guia nos disse
Muito surpreendido
Está a correr mal
Estamos todos perdidos
[…]
Daniel da Silva Macedo – Fevereiro de 1966