Préface : récits de voyage
« On multiplie ses pas
pour avoir plus de terre …
On bouge
et le monde trouve son assise.
Il suffit d’un pas
pour que le monde
commence. », J.-L. Giovannoni
Aujourd’hui, une Europe et des frontières abolies sur le papier et toujours davantage de gens qui marchent, qui voyagent pour aller et venir, vivre, travailler, connaître, être libre, échapper à la mort ou à la misère
Une Europe, une France où pour des tas de gens il est plus difficile de venir que d’aller sur la lune. Aller donc obtenir un passeport si vous n’êtes pas européen… plutôt s’inscrire sur la liste d’attente de la prochaine navette spatiale, là il doit y avoir de la place.
Aujourd’hui, des passagers, à jamais clandestins, qui s’accrochent aux pieds des avions pour quitter leur terre…
Qui meurent étouffés, cachés dans des camions pour passer… pour aller vivre mieux ailleurs. Qui se noient en mer, sur des barques ou des bateaux surchargés dans la nuit pour passer… pour aller vivre mieux ailleurs.
Qui passent encore d’innombrables lambeaux de frontières, à pied.
Dans les rues de nos villes, des gens qui marchent, qui ne font que marcher toute la journée parce qu’ils ne savent pas, ils n’ont pas où se poser. Certains n’ont pas de chaussures. D’autres ont l’air encore soignés, mais si vous regardez leurs pieds, vous verrez des chaussures qui font triste mine… toujours le déplacé, l’inlassable voyage et l’exil.
Pas de note triste.
C’est le voyage et le pas qu’il faut faire pour être debout. Pour aller de l’avant, pour aller vers.
Pourquoi l’expression française « être bête comme ses pieds » ? N’est-ce pas ce qu’il y a de plus intelligent ? Car les pieds nous permettent d’aller quelque part. Et puis on peut les toucher de la main, comme le font les enfants. Les petits touchent déjà leurs pieds quand ils ne peuvent pas encore se tenir debout. Les pieds disent des tas de choses… paumes et lignes de vie contre la terre, qui permettent d’avancer, de s’élancer. On marche et le monde respire.
Ilda Mendes Dos Santos