« Poste de police de Nanterre. Pour faire tamponner les formulaires administratifs, les Portugais de la Folie sont contraints de verser de l’argent aux agents. J’ai vu ces hommes tenir à la main leurs papiers officiels au milieu desquels étaient glissés, au su et au vu de tout le monde, des billets de banque. Interrogés, ils ont avoué que s’ils ne plaçaient pas plusieurs billets entre les feuillets de leur passeport, les agent de Nanterre les leurs réclamaient avec rudesse : » Quoi, t’as pas compris ? Donne les sous ! » »Alors nous avons pris l’habitude », expliquent-ils. Aujourd’hui pour certifier les papiers d’un Arabe que je lui tends, l’agent exige le ‘pourboire’. Jacqueline, une Française de la localité, m’a affirmé que dans la queue où elle s’était trouvée, à ce même poste de police, le brigadier avait réclamé 50 francs au Portugais qui la précédait » – 18 mars 1960 (p.75-76)
« A l’une des extrémités de la Folie, la cabane d’un jeune couple, avec deux bambins, s’est enflammée. Il ne reste plus une planche debout. Tout est calciné. La police interdit la reconstruction. Pourtant l’incendie est consécutif au rasage des baraques portugaises et de quelques échoppes arabes, opéré par les services de la préfecture. A la fin de ce genre d’opération, les fonctionnaires font mettre le feu aux matériaux amoncelés par les bulldozers. Refus des pouvoirs publics de reconnaître la propagation accidentelle du brasier… » – 26 novembre 1960 (p.93-94)
« A l’aube, soudain de longues flammes rougeoyantes s’élèvent au-dessus des baraques de la Folie collées les unes aux autres. Dans un vieux bistrot à la devanture délavée de la rue de Courbevoie, des consommateurs sirotent leur ballon de rouge. Sourire aux lèvres. Visages impassibles. Ils contemplent les cabanes qui crament. Et dans un concert d’approbation générale, j’entends ces ouvriers interpeller la tenancière qui se précipite sur son téléphone pour alerter les pompiers :
» Vous pressez pas. Il n’y a qu’à laisser brûler, ça en fera quelques douzaines de moins… », et :
» Qu’ils grillent dans leurs cabanes! C’est comme des rats. » Ces Français, sans aucun doute bons pères, savent que les bicoques sont habitées par des femmes, des enfants. Devant eux, chaque jour, ils voient passer les gamins qui vont chercher l’eau à la borne-fontaine, rue de Chevreul. Ces gros rires de satisfaction sont terrifiants. Ils vous glacent d’horreur. Vos laissent impuissant devant tant de haine. » – 2 novembre 1960 (p. 88-89)